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Le soldat XXe-XXIe siècle - sous la direction de François LECOINTRE

Collectif

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Avant toute chose, je tiens vivement à remercier Livraddict, les éditions GALLIMARD et la collection FOLIO HISTOIRE pour l’envoi de ce roman dans le cadre de ce premier partenariat.

 

L’histoire. Le devoir de mémoire. Le souvenir. Tout ceci est lié. L’histoire d’une nation, d’un pays, d’un événement, permet de se rappeler et de ne pas oublier les acteurs de ces moments.

 

Mais écrire son histoire, ce n’est pas que parler des moments de bravoure ou d’héroïsme. C’est aussi parler de ces moments de faiblesse, des difficultés éprouvées. C’est ainsi que l’on apprend l’histoire, en montrant les deux faces d’une même pièce. Et qui, mieux que les militaires, peuvent la raconter.

 

Dans un souci d’éviter les faux semblants et de montrer à quelle vitesse l’histoire peut se faire, la revue Inflexions est née.

 

Fruit de réflexions multiples, la revue regroupe de nombreux professionnels, qu’ils soient militaires de carrière, historiens ou professionnels de santé. Tous ont eu, un jour, à se trouver au cœur des conflits qui ont secoué le pays ces dernières décennies.

 

Ce livre est un recueil de ces textes, publiés dans la revue Inflexions, une anthologie de moments racontés par des militaires, pour alimenter l’histoire de notre pays et de son armée. L’éditeur a fait le choix de le diviser en trois grandes parties :

 

  1. Du soldat, ou les valeurs qui l’animent et le définissent de nos jours,
  2. Du combat, ou les dimensions nouvelles du métier, l’évolution du soldat, son engagement au combat et sa façon de le vivre,
  3. Le retour ou l’épreuve du soldat du retour à la réalité, sans y perdre sa foi, ni sa volonté de vivre.

 

Ce recueil est une grande première et donne, enfin, la parole aux soldats, eux qui depuis longtemps s’expriment peu sur ce qu’ils vivent et subissent à l’étranger, dans la protection du pays. Quand la revue est née, en 2005, elle avait pour objectif principal de faire entendre la voix de l’armée et de poser le débat sur la place actuelle de l’armée dans le paysage français.

 

Qui est le soldat du XXième siècle ? Et que va-t-il devenir au XXIième siècle ? Ce sont entre autres des questions qui trouvent une partie de leur réponse dans les deux premières parties du livre.

 

Vous y trouverez, entre autre, l’évolution du soldat et de la hiérarchie, l’importance de la commémoration et la sacro-sainte autorité du supérieur. Il est intéressant de noter comme l’évolution de ces piliers de l’armée est intimement liée à l’évolution sociale de la population du pays. L’importance actuelle de diminuer la violence, même en période de conflit et de noter la charge conséquente, pour un chef, de prendre en compte les sentiments intérieurs des hommes sous son commandement.

 

Cette première partie a nettement marqué mon esprit quand il fut abordé la personnalité du Maréchal de LATTRE de TASSIGNY. Ce très grande militaire, comme on en fait plus beaucoup, fut un héros français, surnommé « Le Roi Jean », dont la simple présence était capable de transcender les foules. Un meneur né, un homme droit et respectueux des soldats qui étaient sous ses ordres. Un homme qui sauvera bon nombres de ses subordonnés.

 

La seconde partie de ce recueil a trait au soldat de maintenant et l’évolution des armes mises à sa disposition depuis quelques années. Que soit ce pour les deux premières guerres mondiales, ou encore l’Indochine et l’Algérie, les armes fournies ne permettaient pas de se battre à distance, qui aurait permis de réduire le degré d’empathie ressentie par les soldats à l’idée de tuer un autre.

 

Le soldat de maintenant peut combattre avec des drones, des fusils de précision, des techniques mises au point, qui permettent de diminuer l’impact ressenti. Car tuer n’est pas instinctif pour le commun des mortels et devenir soldat ne signifie pas voir disparaître ses sentiments.

 

En cela, le texte écrit par Michel GOYA, intitulé « s’adapter sous contrainte psychologique forte. Une expérience de lutte contre les snipers » est très intéressant. Ancien colonel dans l’infanterie de marine, Michel GOYA fait part de son expérience personnelle quand, au matin du 7 juillet 1993, il s’embarque pour Sarajevo et où son premier souvenir en arrivant est de découvrir un militaire gravement blessé à la gorge, perdant tout son sang.

 

Michel GOYA raconte comment il a dû s’adapter pour survivre, protéger ses hommes, lutter contre un ennemi invisible et comment, même avec les meilleures armes de la terre, la distance augmentée ne réduit pas le sentiment qui perdure au combat.

 

C’est là toute l’importance de ces écrits. Il est important que la population, pas ou peu habituée à la vie de militaire, comprenne ce qu’ils vivent et ressentent au quotidien et c’est là que la dernière partie du recueil, « le retour », va frapper l’esprit du lecteur.

 

Car oui, après le combat, il faut rentrer et il est d’importance de souligner l’obligation de suivre les soldats qui reviennent, qu’être présent pour eux est aussi important que respirer. Car le soldat, quand il revient, traîne un bagage psychologique que même une bonne préparation en amont des combats, ne peut rien faire contre ce qui suit.

 

Les souvenirs, les flashs, les incompréhensions, les paroles pensées mais non dites. L’un des textes publiés dans cette troisième partie, résume parfaitement cette situation. Yann ANDRUETAN est médecin, envoyé au KOSOVO début 2000 auprès d’une unité de tireurs de précision. Une demande émanant d’un haut gradé attire son attention et le pousse à s’orienter sur ce domaine de recherche.

 

Yann ANDRUETAN a axé son texte sur le côté psychiatrique de soldats souffrant de troubles consécutifs à leur retour au pays et il est intéressant de noter à quel point, le soldat taisant ses souffrances, ces hommes et femmes portent un lourd fardeau.

 

Dans son texte « retours de guerre et parole en berne », André Thiéblemont met en avant à quel point le rejet de la population ou des institutionnels du pays, à l’égard des soldats, est encore plus blessant qu’une balle reçue. L’évolution de la « bonne cote » se fait en fonction des menaces touchant notre territoire, rendant fluctuant l’impression que ressentent les militaires.

 

Comment peut-on si vite oublier, quand ça leur chante, que ces hommes et femmes ont fait le choix de sacrifier une partie de leur innocence de vie pour protéger la nôtre ?

 

En cela, ce recueil de textes a son importance et poussera, je le souhaite, le lecteur à se poser des questions et à rechercher, à interroger autour de lui. Ainsi, il participera au devoir de mémoire et à montrer son intérêt.

 

La guerre n’est pas que sur un champ de bataille. Elle est aussi psychologique, sournoise et vicieuse. Elle prend des foules en otage, elle se cache lâchement, attendant une faiblesse pour agir. Si l’armée n’est plus là, alors qui combattra la lâcheté ?

 

Très bonne lecture.

Marjorie