Victor Del Arbol
Histoire :
Les murailles de Tarifa abritent la dernière résidence de deux septuagénaires que rien ne destinait à se rencontrer. Ancien directeur d'une succursale de banque, Miguel est aussi mesuré et prévisible qu' Héléna est impulsive et extravagante.
La disparition tragique d'un pensionnaire les décide à solder leurs comptes avec la vie : Ils se lancent sur les routes au volant d'une flamboyante Datsun de 1967 ; cap sur Barcelone, Madrid et Malmö.
Miguel veut sauver sa fille des griffes d'un pervers narcissique et retrouver un troublant amour de jeunesse.
Héléna aimerait revoir son fils, installé à Malmö. Elle a connu, elle aussi, une passion dévorante mais son existence est un champ de ruines depuis la disparition de son père à Tanger lorsqu'elle était enfant : le suicide de sa mère, un mariage sans amour, la mort de tous ceux qui lui sont chers.
Chacun sera le miroir de l'autre dans sa quête de vérité pour pouvoir refermer les blessures traumatisantes de l'enfant et trouver enfin la paix de l'âme.
Avec le talent qu'on lui connaît, Victor del Arbol fait converger ces histoires vers un dénouement criant de vérité et d'émotion. Et si, au cours de ce saisissant road movie, on traverse les contrées arides de la maladie, de la prostitution ou du grand âge, on en sort convaincu que vivre est le plus beau des voyages.
Mon avis :
Le prologue de cette histoire nous fait entrer de plein pied dans la violence qui peut exister entre les êtres humains, nous découvrons Héléna à Tanger en 1955.
En 2014 Héléna (la petite fille du prologue) habite à Tarifa l'extrême sud de l'Espagne, une résidence pour personnes âgées.
A Séville, Miguel découvre qu'il est atteint de la maladie d'Alzheimer, il a déjà les premiers prémices avec des absences et des pertes de repères. Il décide d'aller dans cette maison de retraite pour ne pas gêner sa fille Natalia.
Une improbable amitié commence entre ces deux personnages que tout oppose. Miguel ancien directeur de banque qui a toujours tout programmé dans sa vie ordonnée, sauf un week-end d'amour avec Carmen.
De son côté Héléna, femme fantasque, encore très belle et attirante, détestant la discipline, hantée par ses démons du passé de son enfance jusqu'à son mariage.
Ces deux extrêmes vont s'attirer, se chamailler, se désirer aussi, mais surtout décider d'entreprendre un voyage pour régler leurs comptes avec ce passé si lourd qui a étouffé leur vie respective. Miguel veut retrouver Carmen, et surtout essayer de sauver sa fille enceinte d'un compagnon pervers qui la maltraite et la bat.
Héléna veut se réconcilier avec son fils David qui habite en Suède à Malmö. Ils décident tous les deux d'entreprendre ce long voyage en voiture car Miguel a peur de l'avion, donc il exhume sa vieille Datsun de 1967, et les voilà partis à l'aventure.
Séville, Barcelone, Madrid seront les étapes espagnoles en attendant la Suède et Malmö, cette longue route semée d'embûches, nous ramène pour les deux protagonistes à ce passé si douloureux de la Guerre d'Espagne pour Miguel dont le père républicain a trouvé la mort dans un camp de travaux forcés.
Pour Héléna c'est la recherche de ce père absent, fugitif dont elle découvre les lettres qui avaient été confisquées par son grand-père. Elle y découvre l'existence d'un homme « Abdul » et son rôle dans la disparition de son père.
Les nouvelles investigations pour comprendre certains aspects de la vie de son père et les conséquences à la fois sur sa vie et celles d'autres, vont-elles l'éclairer sur certaines décisions qu'elle a prise au cours de son existence.
Tout le long de ce périple, Miguel et Héléna vont se soutenir, vont laisser libre cours à tous ces sentiments enfouis et qui ont longtemps perturbés leur relation avec leurs enfants respectifs.
L'auteur nous interpelle sur la transmission, et le traumatisme en lien entre les événements historiques dramatiques et les bouleversements des destins personnels. Le poids écrasant du passé.
Mais l'action qui se passe en Suède à Malmö, donne un autre aspect, plus noir, avec des complexités et des destins qui se sont trouvés mêlés d'une façon inexorable. Sur fond de violence, de prostitution, de trafic de drogue, un fil déroulé d'une grosse pelote de ces histoires mêlées qui s'infiltrent entre elles, où une décision prise un jour, une passion mal vécue, produisent un effet domino.
C'est un formidable récit, comme toujours l'écriture de Victor Del Arbol est d'une précision chirurgicale, une réflexion sur la vieillesse, la perte, le temps qui passe avec leur cohorte de regrets, de remords, d'envie de se retourner sur son passé, et son besoin de réconciliation, l'auteur dose le suspens, un rythme d'écriture adapté à chaque épisode, chaque pensée et situation de ses protagonistes.
Miguel et Héléna m'ont profondément émue, avec leurs rides, leurs doutes, leurs douleurs, leurs réflexions sur ce vide qui influence leurs décisions. Dans les épisodes noirs de l'histoire, de violence, ce qui m'a fait un immense plaisir : l'auteur offre à Miguel et Héléna un grand moment d'amour, y compris physique, de tendresse, de complicité.
Par moments la lecture est difficile avec la description de la violence, mais ce n'est que la stricte vérité, j'ai vraiment aimé ces quelques heures passées avec Miguel et Héléna, et j'espère que je vous aurais donné envie de découvrir ce couple attachant et émouvant. Très bonne lecture à vous.
Kalou