Nicholas Stargardt
L'histoire :
En 1939, les allemands, encore traumatisés par le souvenir de 1918, ne voulaient pas d'une nouvelle guerre. Pourtant, leur détermination aveugle fit durer les combats jusqu'en 1945.
Comment ont-ils pu tenir si longtemps sous les bombardements, malgré les privations et l'accumulation des défaites ? Les allemands avaient-ils conscience de mener une guerre génocidaire ? Dans quelle mesure crurent-ils aux mensonges d'un régime qui les menait à leur perte ?
Dans « La Guerre allemande », Nicholas Stargardt raconte pour la première fois la Seconde Guerre mondiale telle que l'ont vécue les allemands. Pour cela, il brosse une vaste fresque d'histoires personnelles nourrie des journaux intimes, des lettres échangées entre les soldats et leur famille ainsi que des rapports de surveillance de la population.
Ces voix jamais entendues auparavant, celles des allemands ordinaires qu'ils soient adolescents, cheminots ou femmes au foyer ; nazis, chrétiens ou juifs ; à Berlin comme sur le front de l'Est , racontent l'Allemagne entre 1939 et 1945 comme on ne l'a jamais fait.
Mêlant magistralement la grande et la petite histoire, « La Guerre allemande » nous fait pénétrer dans l'intimité d'un peuple en armes, un peuple déterminé à se battre, envers et contre tout, pour une cause perdue.
Mon avis :
Un autre regard, une autre approche de cette période terrible que fut la Seconde Guerre Mondiale, gros livre certes, mais cette lecture vaut vraiment la peine. L'auteur présente « un peuple en guerre », cette enquête est intéressante car elle touche toutes les couches de la population, tous les milieux sociaux, toutes les tranches d'âge, toutes les régions.
Les lettres échangées, journaux intimes des militaires ne sont pas les mêmes en fonction de l'époque et du lieu, en 1940 en France occupée on parle de l'abondance de la nourriture et de la joie de vivre « comme des dieux en France ».
Le ton n'est pas le même en août 1941 pour un soldat de la Wehrmacht en campagne en URSS qui vient d'assister à l'exécution de partisans russes.
L'état d'esprit de la population sous le régime nazi évolue, on découvre qu'à partir de 1942, beaucoup d'allemands savaient que les juifs étaient tués par balles ou déportés, ce que confirment les photographies, les conversations entre soldats en permission, les lettres.
La population vit au milieu des rumeurs et des conversations privées. Le savoir est inégal, les gens ont assemblé des bouts d'information.
Dans leur correspondance les soldats de l'Est se réfugient dans la protection de la famille, du foyer, de la culture allemande, et les plus lettrés dans la relecture de Goethe, Höderlin ou Junger, plus les défaites s'accumulent plus les allemands défendent le coeur du Reich.
Au début du procès de Nuremberg, les allemands sont soulagés que le pays entier ne soit pas jugé, mais seulement les criminels de guerre, il n'est plus question de responsabilité collective. Les allemands décident donc qu'ils ne savaient pas et étaient désolés.
Cette étude foisonnante et très riche, passionnante à lire, permet de comprendre mieux le quotidien de la population allemande pendant la guerre, leur obstination et aveuglement jusqu'au bout, certains attendant un miracle des nouvelles armes.
Si vous aimez l'histoire, cette période à la fois si lointaine et si proche, ne reculez pas devant le nombre de pages, car cet aspect de la guerre vue de la population est très enrichissant. Je vous souhaite une excellente lecture.
Kalou